samedi 10 mars 2012

A propos de "vraie" philosophie

                                               A propos de « vraie » philosophie

Ce texte de présentation de la « vraie philosophie » est notamment inspiré par la pensée de Spinoza et de Constantin Brunner, son héritier spirituel, et il entend préciser le sens donné à cette expression par Spinoza pour la distinguer radicalement de la Superstition. 



Pour le dire brièvement, la vraie philosophie est la voie et la voix de l’Absolu UN, Unique, tandis que la Superstition se caractérise, dans son expression religieuse et métaphysique, par la coexistence de « deux » absolus. Ceci peut être établi à partir de l’analyse détaillée des facultés, ou genres de connaissance, de notre entendement humain, puisque seule la confusion de ces facultés, leur emploi inapproprié, est à l’origine du penser superstitieux prenant pour absolu ce qui n’est que relatif. A ce sujet, Brunner dénonce constamment dans son œuvre ce péché capital de l’entendement humain, et il le nomme « absolutisation du relatif »



L'analyse des facultés de notre entendement humain, établie par le philosophe juif allemand Constantin Brunner (1862-1937), complète et développe celle de Spinoza dans Éthique II, proposition XL, scolie II. Brunner distingue trois genres de connaissance :
 

- l’entendement pratique, regroupant imaginatio et ratio spinozistes,

- le penser spirituel, ou penser de l’Esprit, intuitio chez Spinoza,

- le penser superstitieux, ou penser de l’analogon de l'Esprit



A ces trois facultés de l'entendement humain correspondent trois types de « vérités », ou réalités pensées spécifiquement par chacune d’elles, et ce sont respectivement :

- la vérité relative de l'entendement pratique

 - la Vérité absolue du penser spirituel

- la vérité « superstitieuse » de l'Analogon de l'Esprit, ou vérité relative fictivement « absolutisée », c’est-à-dire artificiellement présentée comme absolue.



Notre entendement pratique a pour but premier de nous orienter dans notre monde des choses et de mieux le connaître grâce au penser scientifique. Il regroupe le penser en images représentatives de l'expérience des sens, ou imaginatio spinoziste, à l’origine des concepts génériques (Homme, femme, cheval, maison, égalité, justice, etc.), et le penser des Abstractions (langage, causalité, mathématiques et autres constructions auxiliaires, telle la théorie atomique, par exemple), appelé ratio par Spinoza.  

Or ce premier penser, qui sert assurément à la pratique de notre vie, ne nous est d’aucune utilité pour « philosopher », pour parvenir à l’absolu, à LA Vérité absolue, puisque toutes ses vérités sont toujours et seulement à jamais relatives, y compris les théories et les hypothèses scientifiques censées connaître et expliquer notre monde.

Et même ce dernier, loin d’avoir une réalité absolue comme le croit le premier saint Thomas venu, n’est que « relatif » à notre premier genre de connaissance. Concrètement parlant, en dehors de l’appareil sensoriel du penser en images qui le « croît » absolument réel, « notre » monde n'a aucune existence véritable, aucune réalité absolue, mais seulement une existence relative, c’est-à-dire en relation à notre seul penser spécifique humain.

Pour ôter à notre monde tout caractère d’ « absoluité », d’existence absolue, il suffit de le mettre en rapport avec l’infinité des autres entendements infinis de notre univers. Chacun d’entre eux, différent du nôtre et distinct de l’un à l’autre, a également son propre monde « relatif », en relation à son propre entendement. Ainsi tous ces infinis mondes relatifs coexistent-ils dans l‘ignorance la plus totale, c’est-à-dire sans jamais rien savoir du monde du voisin chat, chien, léopard, dauphin, requin, vautour, etc., etc. Que savons-nous réellement du monde du chien, pourtant si proche de nous, avec notre entendement humain, hormis les sornettes anthropomorphiques que nous en projetons ?   

Par ailleurs, notre monde ne saurait avoir de réalité absolue, d’existence absolue », du seul fait que les choses qui le constituent, y compris nous-mêmes, sont en perpétuel mouvement, donc en constant changement, en incessante transformation. Or seul, ce qui est « immuable » peut-être à la fois absolu, exister absolument

Le monde humain est assurément « le » monde pour nous humains, mais il n’est pas « LE » monde, au sens d'un monde unique pensé  de manière identique par l'infinité des entendements infinis - ou attributs spinozistes, en tant que définis comme ce que chaque entendement saisit de la substance à travers son monde propre (cf. Éthique I, définition IV, et Éthique II, proposition VII) : la Substance se révèle à nous les humains par notre monde, comme elle se manifeste à chaque entendement singulier par son monde spécifique.

Ainsi notre entendement pratique pense notre « relativité » humaine, une parmi l’infinité des autres relativités infinies avec leurs infinis autres mondes infinis. Notre monde humain n’est que du « pensé », le contenu pensé par nous humains dans et sur (à propos de) notre monde ; notre monde des choses humaines et « sa » matière n'ont pas de « réalité absolue », pas de matérialité, pas de substantialité absolue : ils n'existent que « relativement », c’est-à-dire seulement en relation à notre entendement pratique spécifique humain.

Toutefois, considéré dans la globalité de ses trois genres de connaissance [Pour plus de précisions, cf. « Les trois facultés du penser », dans Brunner I], il se trouve que notre entendement ne se limite pas à penser notre monde dans sa « relativité » humaine, mais dans sa relation à l’Absolu ou substance spinoziste. Dès lors, l’entendement pratique, commun à tous les humains sans exception, bifurque soit vers le penser de l’Esprit véritable, ou penser spirituel, soit vers le penser superstitieux, ou Analogon de l’Esprit.

Il se tourne vers l’Esprit véritable à la condition expresse que notre monde des choses soit considéré comme une réalité seulement « relative » à notre entendement pratique sur la base de l'expérience des sens, laquelle confère assurément une réalité « perceptible », mais en aucun cas absolue ! Il bifurque vers l’Analogon de l’Esprit, ou penser superstitieux, si notre monde est pris pour une réalité absolue, c’est-à-dire existant « absolument » ; dans ce cas, le penser superstitieux conduit forcément au « dualisme » des absolus, à savoir un créateur ou un principe créateur, et sa création ou production. 

L’ « absolutisation » de notre monde – niant ipso facto sa réalité relative - est à l‘origine de la superstition religieuse et de la superstition métaphysique [Philosophie theologico-scolastique ou spiritualisme de Descartes ou de Kant notamment, ainsi que matérialisme d’Aristote, entre autre, et du scientisme contemporain, positivistes inclus. Avec leurs deux absolus, ces modes d’expression de la superstition sont contraints de rechercher un commencement absolu, une prétendue « cause première » susceptible d’expliquer l’origine de notre monde pour justifier son existence, puisqu’il est bel et bien là pour nous…

Par ailleurs, pour être convaincu de la réalité relative de notre monde, il suffit à chacun d’entre nous de constater la finitude de sa propre existence comme celle de toutes les choses, et ceci devrait suffire à attester que les choses de notre monde n'ont pas de réalité absolue. L’existence des choses terrestres est « finie », elle a des limites - un commencement et une fin -, tandis que l'Absolu se caractérise précisément par l'existence éternelle : il EST - il existe - de toute éternité, c’est-à-dire « sans commencement ni fin ». Certes, ce dernier point pose un problème insurmontable à notre « raison », mais précisément celle-ci n’a pas vocation à philosopher – et encore moins avec notre appareillage sensoriel !

La science elle-même témoigne que la matière n'a pas de réalité absolue, pas de « substantialité » absolue, puisqu'elle dissout les choses en mouvement, mais sans répondre pour autant à la question : mouvement de quoi, qu'est-ce qui se meut réellement, puisqu’il n’y a pas de matière absolue..? Ce mouvement sans substrat réellement « absolu » ne peut donc être la réalité ou Vérité absolue ; le mouvement universel des choses n'est que l'idée ultime, seulement le concept suprême, de notre entendement pratique, et il appartient donc au domaine du « relatif », à notre contenu pensé « relatif ».

Le penser spirituel, ou intuitio spinoziste, voie d’accès au UN absolu, s'exprime dans la mystique authentique [Cf. le Bouddha et le Christ dans leur Parole non pervertie par la superstition religieuse qui a usurpé leur nom], dans la « vraie » philosophie [Ménippe, Epictète, Plotin, Sénèque, Marc Aurèle, Socrate, Platon, Bruno, Spinoza, Brunner, etc.], et dans l'art véritable inspiré par l’Esprit. Seul le penser spirituel, ou penser de l'Esprit véritable qui n’est pas le Saint-Esprit,  ouvre la voie vers la réalité absolue, vers ce qui est « absolument » réel, tout en demeurant inconnaissable « en soi » pour notre entendement pratique. 

C’est d’ailleurs un paradoxe de notre penser de croire, à la manière de saint Thomas, que ce qui est perçu par l’expérience des sens est « absolument » réel, et a contrario de nier l’Absolu, la réalité « absolue », du fait de ne pas le percevoir, comme il en va pour nos choses humaines ! Il est certain, en tout cas, puisque nous en avons la « preuve », que l’opinion de saint Thomas est démentie par la raison, laquelle corrige l’expérience des sens. Ceux-ci, en effet, nous donnent à voir le soleil se levant à l’est et se couchant à l’ouest, donc en mouvement autour d’une planète immobile, alors que la raison, le penser scientifique, nous indique le contraire. Ce qui se présente à la conscience de notre entendement humain ou de n’importe lequel des entendements infinis n’est donc pas « absolument » réel ; seulement ce qui EST de toute éternité est la réalité ou Vérité absolue - indépendante des infinis entendements infinis qui pensent leur monde spécifique seulement relatif

L’Absolu est UN, malgré ses multiples appellations : « Substance » ou Dieu, ou Nature chez Spinoza, Père chez le Christ, Idée des idées chez Platon, Pensant chez Brunner, Atman et Tao chez de grands penseurs orientaux, etc. Ce quid absolu, cet UN éternel et absolu, est dans une relation d'immanence - et non de transcendance ! - avec notre monde et les mondes des infinis entendements infinis ou infinité des attributs « infinis en leur genre », au sein de l'UN, unité de la Nature naturante, l’Absolu, et de la nature naturée, le relatif, à savoir la totalité des relativités infinies.

Une relation de transcendance se caractérise par l’extériorité d’un Dieu extra-mondain, par des arrière-mondes aussi mystérieux que contradictoires, et elle conduit au « dualisme » des absolus, à la prétendue coexistence de « deux » absolus - cette aberration philosophique par excellence ! -, à savoir premièrement, un Dieu-Créateur dans les religions monothéistes et le spiritualisme, ou un « principe créateur » dans la doctrine matérialiste, et deuxièmement, la création ou la production résultant d’une relation de causalité « transitive » semblable à celle qui a cours dans notre monde, où une cause produit logiquement un effet – sauf à croire qu’il peut y avoir des effets sans cause ! Philosophiquement parlant, non seulement tout dualisme des absolus est une « impossibilité absolue »  par définition, mais une substance ne peut pas produire une autre substance, comme démontré more geometrico dans Éthique I.

La relation d’ « immanence » connaît seulement l’UN absolu, nécessairement unique - Esprit, souffle, âme universelle -, lequel  nous « inspire » notre monde, comme en témoignent nos idéaux du Bien, du Beau et du Vrai au point que nous ne pouvons pas penser un seul concept sans penser à la fois l’idéal du concept pensé [par exemple : femme et femme idéale, justice, égalité, démocratie, et justice, égalité et démocratie idéales]  Chacun peut pourtant réaliser combien son idéal personnel inhérent à n’importe quel concept pensé est seulement relatif, puisque différent d’un individu à l’autre, sans être jamais l’Idéal « en soi » ! D’où nous viendraient nos idéaux, sinon, sans une inspiration quelconque ? De « rien » ? ! Ou alors, des explications superstitieuses du matérialisme et de l’idéalisme, affirmant respectivement que la matière produit la pensée, comme le foie secrète la bile, ou que la pensée a le pouvoir de créer la matière ?

Ce même « dualisme » se retrouve, d’ailleurs, dans la Psychologie officielle pontifiante, laquelle sépare radicalement la pensée et la matière, le corps et l’esprit. Ils sont même jugés être en interaction, ainsi que voudraient le faire accroire certains « charlatans » prétendant soulever des tables, faire tourner des verres et tordre des fourchettes avec la seule force de l’esprit – pourquoi pas celle du Saint-Esprit ? Ce dualisme superstitieux contraint ensuite tous ses tenants à s’efforcer de réunir pensée et matière, corps et esprit - mais en vain ! Toutefois, comme leur dit si justement Brunner : « Si vous ne voulez pas avoir à les réunir, ne commencez pas par les séparer ! » 

Si ce « penser superstitieux » est à peine évoqué par Spinoza dans Éthique II, proposition XL, où il parle d' « idées mal fondées » sans développer pour autant ce genre de connaissance, Brunner a amplement introduit dans son œuvre cette troisième faculté de notre penser. Pour faire saisir l’apparente similitude entre le véritable penser spirituel et le penser analogique ou Analogon de l'Esprit, je ne peux mieux faire qu’évoquer une certaine publicité concernant le Canada dry : « ça » y ressemble, mais ce n’est pas le produit authentique !

Le penser superstitieux, comme déjà dit ci-dessus, est fondé  sur l' « absolutisation de notre monde » et conduit ainsi à chercher un « commencement absolu », une origine, à un monde qui n'existe que pour notre entendement pratique spécifique. Or cette croyance dualiste superstitieuse est une « impossibilité absolue » par définition, comme Spinoza l'a si bien démontré dans Éthique I.[Cf. définitions I, III, VI, VIII, et propositions III, V, VI, VIII, XII, XIII, XIV, XV] pour établit l’unicité de l’Absolu.

Tout dualisme est superstitieux, comme il en va aussi du Bien et du Mal absolus,  mais faute de saisir le véritable UN absolu, la religion et la métaphysique, non seulement « inventent » un absolu « fictif » supposé être la cause première de notre monde relatif, pris à tort pour absolu par notre entendement pratique, mais elles créent ainsi deux « pseudo-absolus », deux réalités relatives « absolutisées », dépourvues de réalité véritablement absolue. Du seul fait de ce dualisme, la religion et la métaphysique sont totalement incompatibles avec la « vraie » philosophie du UN absolu et éternel, et c’est pourquoi on ne peut penser « tout et son contraire », Spinoza et Kant à la fois, en prenant un peu chez l'un, un peu chez l'autre : dès qu’il s’agit  de l’Absolu, on ne doit pas tergiverser ! Être un philosophe digne de ce nom, ce n’est pas connaître l’Histoire de la philosophie ou être reconnu par l’Université, c’est être en mesure de distinguer le relatif de l’absolu : le « vrai » relatif n’est pas « absolument » vrai !

A notre époque, la religion est toujours considérée comme un « fait acquis », comme une réalité allant de soi, un sujet « indiscutable », dont le dogme fondateur n'est jamais remis en cause, au point de continuer à parler de l’infaillibilité du Pape en la matière, ou de promettre pour la saint Glin-glin la réforme de l’islam, tandis que le judaïsme n’en évoque  même pas une. Les divergences entre les principales religions monothéistes ne troublent personne, et tous s’accordent sur ce « triple » Dieu, ce Dieu « trois-en un » soi-disant unique, au nom duquel certains continuent néanmoins à s’entretuer ; et ce, dans une époque qui se croit au faite du modernisme - comme nos lointains prédécesseurs se croyaient déjà au comble de la modernité en leur temps, et comme nos descendants le prétendront encore, en dépit de leurs croyances superstitieuses obscurantistes ! Personne ne cherche plus véritablement aujourd'hui à montrer, voire à démontrer, à l’exemple de Spinoza et de Brunner, que les religions, toutes religions confondues – monothéistes ou non - ne se fondent sur aucune réalité « absolument absolue », mais seulement sur un « dualisme » superstitieux.

Descartes et Kant eux mêmes - tant les « philosopheurs » sont nombreux - n'échappent pas non plus à l’erreur fondamentale d' « absolutiser le relatif » [Cf. la « chose en soi » de Kant] Leur Dieu-Créateur de la scolastique idéaliste, avec son prétendu « libre arbitre », est en tout point identique au Dieu-créateur religieux, père de la matière soi-disant « absolue, dont seraient composées nos choses humaines. Ces « philosopheurs » ne savent pas distinguer le relatif de l'Absolu, et c’est pourtant le premier stade du chemin « véritablement » philosophique ; ils tombent ainsi précisément comme le premier venu dans la confusion des facultés : ils « philosophent » avec leur entendement pratique, voire avec leur dispositif sensoriel !

Notre monde « relatif » ne peut pas être en relation causale transitive avec l'Absolu ou Substance de Spinoza, à la manière dont une cause produit un effet dans notre monde, sauf à démontrer la fausseté de la proposition III d’Éthique I : « Si des choses n'ont rien de commun entre elles [ce qui est le cas de l'Absolu et du relatif], l'une ne peut être la cause de l'autre », et celle de la proposition VI: « Une substance [ce qui existe « absolument »] ne peut pas être produite par une autre substance ». 

Notre monde est dans une relation d'« immanence » avec l'Absolu UN, c'est-à-dire dans une relation de Pensant – le terme de Brunner pour désigner l'Absolu - à « pensé » ou contenu pensé. Pour le dire autrement: dans la relation du « Penser absolu » avec notre « pensé » ou contenu relatif pensé dans et sur notre monde humain en particulier, mais aussi en relation avec le « pensé » des infinis autres entendements infinis dans leurs mondes spécifiques.

Ce Penser absolu, le Pensant sans représentations, est assurément une énigme supplémentaire pour notre raison. Mais, comme déjà dit, elle n’a pas à se mêler de ce qui ne la regarde pas : son rôle se limite au pensé « relatif » de notre monde, elle ne doit pas interférer dans un domaine qui n’est pas le sien, sous peine d’utiliser inadéquatement les facultés de l’entendement : à qui viendrait l’idée saugrenue de couper une côtelette grillée avec une cuillère, ou de manger un potage avec une fourchette ? C’est une impossibilité du même genre, puisque résultant de l’emploi d’un outil inadéquat ! Le rôle de notre raison n’est pourtant pas négligeable dans cette affaire, au point qu’elle sert de rampe de lancement au penser spirituel en  nous délivrant des « croyances au miracle », même si c’est loin d’être le cas à en juger par la superstition idéologique ; par ailleurs, la raison est très utile pour suivre la démonstration more geometrico de l’Éthique

 [Cf. : « Les objets invisibles et destinés à être saisis par la seule pensée ne peuvent être perçus que par démonstration. »]

Assurément c’est  le droit le plus légitime de chacun de nier la réalité absolue du « UN », de ce qui EST de toute éternité, et par-là LA Vérité éternelle absolue, mais je pose la question : sans ce quid, sans cet UN absolu, dont l'essence implique l'existence avec sa « causa sui » ou cause de soi – un autre problème logique inadmissible pour la raison ! -, d'où proviendraient, non seulement nos idéaux du Bien, du Bon et du Vrai inspirés par l'Absolu, mais « notre » penser et les infinis autres entendements infinis ? De la matière..? D'où nos idées nous viendraient-elles ? De « rien » ? ! Je laisse chacun juger de l'inanité de cette proposition, mais je ne cherche pas ici à convaincre d'éventuels tenants du « rien » : un « rien », d'où TOUT serait sorti, et aurait ensuite évolué à partir de rien..! Vous avez dit « miracle »..? ! 

Notre monde humain est seulement le symbole, l’apparence, de l'Absolu, sa « représentation » pour nous humains, mais pas l'Absolu lui-même tel qu'il est réellement « en soi », mais qui demeurera à jamais inconnaissable pour nous, dans le sens où nous percevons et « croyons » connaître et comprendre les choses de notre monde. Ce monde, qui est le nôtre, est seulement notre conception humaine spécifique de l'Absolu, la manière dont notre entendement le saisit, la façon dont l'Absolu se manifeste, se présente, se révèle à nous humains à travers notre monde, comme il se révèle à l'infinité des entendements infinis à travers d'infinies manières différentes qui sont leurs mondes, dont chacun est également spécifique à chaque entendement particulier.

Pour la religion et la scolastique idéaliste, comme pour la doctrine matérialiste, il n'y a de monde que le monde humain ; elles ne connaissent et ne reconnaissent qu'un seul monde, le nôtre. Pour elles, tout ce qui constitue notre nature environnante n'est là que pour le décor ou pour satisfaire nos besoins à des titres divers ; elles considèrent donc les choses de notre environnement comme des "choses-objets" pour notre usage, mais pas comme des choses pensantes, des « êtres-pensants » au même titre que nous, et qui pourtant pensent aussi « leur » monde en relation à leur entendement spécifique.



Le penser n'est pas une exclusivité humaine, que l’Absolu nous aurait réservée, comme il en va du Dieu superstitieux. Evidemment, chaque entendement spécifique pense à sa manière relative propre, et il faut surtout se garder de croire qu’il pense à notre manière humaine - sauf à tomber dans l‘anthropomorphisme !

Nous ne saurons jamais rien de ce qui est pensé par les infinis entendements infinis, rien de leur penser spécifique, et pour cette raison la prétendue « Psychologie animale », censée expliquer scientifiquement l'intériorité animale, n'exprime rien de plus que notre vision anthropomorphe en vertu de laquelle l'homme serait la mesure de toutes choses.

Notre entendement est seulement « un » des infinis entendements infinis, et seule notre arrogance nous place au sommet de l’échelle terrestre. Pourquoi nous gêner, d’ailleurs ? Puisque nous sommes à la fois juge et partie, personne ne viendra jamais nous contester notre « suprématie autoproclamée »..! Et puis, « ça » fait tellement de bien à notre ego d’être les premiers de la prétendue création !

Religion et scolastique idéaliste ne reconnaissent que le monde humain et méconnaissent l'existence de l'infinité des autres mondes infinis, tout aussi « relatifs » que le nôtre l’est pour notre entendement. Chaque espèce animale - mais pas seulement car « omnia animata », tout pense ! - a son monde spécifique, vit dans un monde différent du nôtre, différent d'une espèce à l'autre, d'un genre à l'autre, puisque chacun des mondes est relatif à chaque entendement particulier. C'est ainsi que le monde et le temps de la mouche, par exemple, ne sont pas le monde et le temps humains, mais pas davantage ceux du requin, lesquels diffèrent de ceux de l'éléphant, à leur tour différents de ceux du vautour, et ainsi de suite à l'infini des espèces et des genres considérés avec notre penser « relatif », qui est donc tout sauf « absolu ».

A partir de l’idée, selon laquelle « chaque » espèce ou genre a son propre monde, qui est la manière dont l'Absolu apparaît à son penser spécifique, nous sommes amenés à reconsidérer ce que notre Psychologie scientiste animalière affirme de l'« instinct » des animaux, tous animaux confondus, bien que leurs comportements soient différents d’une espèce à l’autre, d'un monde à l'autre.

Il s’agit encore là, purement et simplement, d’une nouvelle expression de notre « anthropomorphisme », lequel attribue seulement un penser digne de ce nom à notre espèce, à l’Homme donc. Une fois de plus, notre arrogance fait montre de commisération en tenant en piètre estime tout ce qui n'est pas humain, puisque considéré comme « inférieur » à nous, au lieu de le considérer comme « différent ». C'est précisément le cas du soi-disant « instinct animal », toujours comparé à notre entendement, et toujours au désavantage de l'animal. Celui-ci, hormis pour des animaux très proches de nous, est supposé agir de manière répétitive, instinctive, machinale, mécanique, en jugeant pourtant seulement d’après notre manière d'observation anthropomorphe. 

Assurément, il est difficile de soutenir cette idée de comportement mécanique et répétitif pour les mammifères proches de l'homme devant quiconque a déjà observé la « réflexion » d'un chat ou d'un chien dans l'intérêt de sa conservation, de son souci égoïste de vivre – si je peux m’autoriser cette expression anthropomorphe. Finalement, à en juger par l’opinion courante, les animaux auraient pour seul tort de ne pas disposer de l'entendement humain, car ils seraient tout de suite tellement plus intelligents..! A voir ! ! !

Une réflexion plus élaborée permet, en effet, à Brunner d'affirmer : « Dans le monde des ânes, c’est-à-dire relatif à l'entendement de l'âne, l'homme serait le plus sot des ânes » ; et il n'a pas tort. En effet, de même que notre entendement pratique humain est « identique » à notre monde humain d’après la proposition VII de Éthique II stipulant : « L'ordre et la connexion des idées est le même (= identique à) que l'ordre et la connexion des choses », nous sert à vivre et à nous orienter dans notre monde humain, « chaque » espèce ou genre a son entendement spécifique qui lui permet de vivre et de s'orienter dans le monde qui lui est identique.  

Nous sommes bien loin de cet instinct mécanique animal, qui est là uniquement pour servir de piédestal à notre intelligence humaine suprême..! Or, nous devrions plutôt revoir à la baisse cet entendement qui nous interdit de saisir « véritablement » le penser de toutes les espèces prises une à une, et qui nous fait prendre le penser animal pour un « vulgaire » instinct. Nous ne saurons jamais rien réellement du penser de la mouche, du crocodile, de l'araignée, du papillon, etc., etc., mais de-là à ravaler leur « penser » au niveau d'un instinct ! Leur entendement joue pour eux le même rôle que celui de notre entendement pour nous, à savoir vivre et s'orienter dans leur monde spécifique. Pour cette raison, nous ferions bien de remettre en question notre « pseudo-faculté » de connaître, de comprendre et d’expliquer « absolument » notre monde et ses choses avec notre penser relatif, d'où ne peut sortir la Vérité absolue.   

C’est pourquoi, à la superstition religieuse et à scolastique idéaliste, j'ajoute la doctrine matérialiste [celle des Aristote, Épicure, Avicenne et Averroès notamment, mais aussi des positivistes et des scientistes contemporains], qui se targue de connaître, de comprendre et d’expliquer notre monde. Que peut-on envisager connaître « absolument » : nos choses en perpétuelle transformation, en incessant changement..? Et comment pourrions-nous les connaître ? Au moyen de la causalité qui a cours dans notre monde, et qui nous fait courir sans cesse à la recherche de la « première cause » ? Est-elle le primus motor, le premier Agent, le big bang, la théorie des cordes, « quid » encore, demain ? Qu'il s'agisse de l’une ou l’autre cause première ne change rien en matière de « croyance superstitieuse » ; il y est toujours question d'un fantôme extra-mondain, d'une puissance « surnaturelle » cachée au-delà du monde, d’un phénomène « métaphysique » – au-delà de la physique -, censés avoir mis le monde en mouvement, un jour: « un beau jour », faudrait-il dire, ou encore « par hasard » ! Avec un peu de malchance ou une lubie du Dieu superstitieux, notre monde n'existerait pas, et nous ne serions pas là ! Par chance, Dieu s’ennuyait dans sa solitude, et sa « libre volonté » lui a permis de créer notre monde ! 


Philosophiquement parlant, ce « libre arbitre » est une illusion de notre penser, une de ces « croyances au miracle » faisant de nous des « dieutelets », des petits dieux capables de faire commencer la chaîne causale à partir de nous - certes, seulement en certaines circonstances, puisque même Kant admet des causes nécessaires, à côté d’une causalité semi-libre ! Lesquelles ? Qu’il s’agisse de notre naissance, du cours de notre vie, de notre mort, ou de quoi que ce soit d’autre, rien ne dépend de notre « pseudo-volonté libre » : avoir la conscience d’agir librement, c’est être inconscient du déterminisme infini, de l’enchaînement infini de l’infinité des causes et des effets de tout phénomène ou événement (naturel, historique ou personnel) ; sauf à quiconque d’établir le contraire en proposant un exemple concret ! Dans notre monde, tout est « nécessaire » rien n’est contingent. (Éthique I, proposition XXIX)

 

Sur le plan philosophique, la question la plus superstitieuse demande: « Comment tout cela a-t-il commencé..? » La religion, la scolastique idéaliste et le matérialisme ne peuvent s'en empêcher, et pourtant idéalisme et matérialisme se prennent pour la philosophie ! Or, la philosophie, elle, ne connaît aucun commencement de notre monde…


La croyance superstitieuse du matérialisme ne s'arrête pas en si mauvais chemin, puisque le scientisme matérialiste contemporain, persuadé que notre monde est « absolu », c'est-à-dire que la matière existe « absolument », poursuit sa quête infinie – car elle ne finira réellement jamais – de la particule « absolument » simple, indivisible, non composée et « première », puisque tout aurait émané d'elle. Elle permettrait ainsi de comprendre et d'expliquer, paraît-il, notre monde et son origine, puisque, si vous donnez seulement cette particule initiale véritablement « simple » au premier ballot venu, lui aussi vous construira facilement notre monde, à la manière d’un jeu de construction ! Or, tout le problème est d'y parvenir, et pas davantage les machines de la science-fiction de demain que nos cyclotrons d'aujourd'hui n'y arriveront jamais. On ne peut pas nier l'atome industriel, technologique, mais l'atome des matérialistes, la « première brique », n'existe pas réellement, absolument ! (cf. ci-dessus)

 

L’atome des philosophes n’est qu’une « construction auxiliaire » de notre penser, au même titre que les mathématiques par exemple, et il n’a donc même pas une réalité relative, à l'exemple des multiples autres choses de l’expérience des sens. Pourtant, cette construction auxiliaire du penser convient très bien pour expliquer notre monde par le mouvement universel de ce « quid », même si la matière n'est en dernière analyse que du mouvement - mais, mouvement de « quoi » ? C'est une autre histoire ! Le mouvement demeure donc toujours sans substrat réel ; il n’y a pas de « porteur » du mouvement, et le matérialisme est « sans matière » ; n'en déplaise aux matérialistes, ils en seront privés jusqu'à la fin des temps..! Forcément, cette construction auxiliaire s’accorde avec l’explication « relative » de notre monde, lequel est seulement le « pensé », le contenu pensé, de notre « penser » 

 

Pour démontrer que notre monde n’est pas « absolu », c'est-à-dire qu'il n'a pas d'existence absolue, pas de réalité absolue en dehors de notre entendement, et qu'il est seulement « relatif » à notre entendement, c’est à dire qu’il n’existe que « dans et par » notre entendement humain, je me sers ici de l'hypothèse de Brunner, corroborée par Albert Einstein, dont le « Dieu » était aussi celui de Spinoza.

 

[Pas de chance pour Spinoza, les rabbins et autres Messieurs du Mahamad n'ont pas confondu le Dieu superstitieux et ce qu’il nomme « Dieu »]

 

Je reprends et complète à ma manière l'hypothèse de Brunner. En gros, Brunner nous dit : « Si, par hypothèse, tous les humains venaient à disparaître en même temps, s’il n'y avait donc plus un seul humain sur Terre, notre monde n'existerait plus tel qu'il était à cet instant précis, puisqu'il n'y aurait plus un seul humain pour le penser » : « notre » soleil, « nos » mers, « nos » montagnes, « nos » animaux, et toutes « nos » choses humaines – naturelles et artificielles – existant seulement en relation à « notre » entendement humain ne seraient plus là, puisque personne ne serait là pour les penser, c’est-à-dire se les représenter – TOUT se serait évanoui ! Sans entendement humain, plus de monde humain ! Cela tient à ce que les choses, selon Brunner, ne sont rien d’autre que nos « sensations » associées à nos « représentations », lesquelles sont prises à tort pour les causes de ces sensations : il n’y a donc, rien de « matériel » là-dedans, au sens ordinaire de ce mot !

 

Toutefois, le fait que « notre » monde humain n'existerait plus pour un entendement et des yeux humains, n'empêcherait pas les infinis autres mondes infinis, existant « relativement » - en relation - à d’infinis autres entendements infinis en leur genre, de continuer à exister pour chacun d’eux, aussi longtemps qu’il y aurait des individus participant de chacun de ces entendements pour les penser. Par exemple, le monde des chats continuerait à exister, tant qu'il y aurait des « individus-chats » pour le penser ; or, les chats, dans leur entendement de chat, ne pensent pas notre soleil ou toute autre chose humaine « à notre manière humaine ». Et donc, si « notre » soleil n'existait plus tel qu'il est perçu par nous dans notre entendement humain, les chats continueraient à percevoir, à leur manière de chat, avec leur entendement de chat, ce « quid » qui les réchauffe – que nous appelons soleil -, et dont nous n'aurons jamais la moindre représentation par un entendement et des yeux de chat.

 

Notre soleil et toutes « nos » choses, perçus par notre entendement pratique humain, n'existeraient plus : « notre » monde aurait cessé d'exister, il aurait purement et simplement « disparu », il se serait totalement « évanoui », « volatilisé »..! Si ce raisonnement est poussé à sa limite extrême, à savoir la disparition complète de tous les individus participant des infinis entendements infinis avec leurs mondes infinis co-existants au nôtre, tout ceci montre et démontre que :

 

 LA SEULE RÉALITÉ ABSOLUE EST LE PENSER ABSOLU..!

 

[Le Penser absolu est le « Penser sans représentation », par opposition à l'infinité des entendements relatifs, dont le nôtre, avec leur « pensé » ou contenu pensé en images représentatives, voire sous d'autres formes dont nous ne saurons jamais rien]

 

Nous sommes bien loin de la superstitieuse « chose en soi » ou absolue de Kant, existant « absolument », c’est-à-dire indépendamment d’un penser qui la pense. Ainsi, d’après cette idée de « chose en soi » de Kant, si tous les humains disparaissaient à la fois, « nos » choses humaines continueraient à exister telles qu'elles étaient auparavant, même sans êtres humains pour les penser, puisqu'elles sont « absolues », ce qui signifie aussi « immuables ». Et ainsi le Dieu superstitieux trônerait-il dans un univers vidé de ses fidèles sur un décor de carton-pâte..!

 

[« Je ne prétends pas avoir rencontré la meilleure des philosophies, mais je sais que je comprends la "vraie philosophie". » (Spinoza, Correspondance)]

 

 

 


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